Sulfureuse Io

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Taille : 3643 km de diamètre
Masse : 8,93×1022 kg
Distance depuis la Terre : 628 Millions de km
Température : -193°C à 1720°C
1 jour sur Io : moins de 2 jours terrestres (rotation synchrone)
1 année sur Io : moins de 2 jours terrestres
Missions vers Io : Galileo
Surface : Montagnes, lacs et volcans de soufre

La lune Io est la première des lunes galiléennes, la plus proche de Jupiter, la quatrième en taille du système solaire, juste avant notre Lune puis sa petite sœur Europe, mais après sa grande sœur Callisto, l’intrus saturnien Titan, et la plus grande de toutes, son frère Ganymède.

En première approche, Io est très comparable en situation à notre lune : presque le même rayon, une distance à Jupiter à peine plus grande que la distance Terre/lune. Mais la comparaison s’arrête vite : sous bien des aspects, Io est vraiment très spectaculaire. La proximité de l’immense Jupiter la torture en permanence, et en fait l’objet le plus volcanique du système solaire, bien plus densément actif que la Terre.

Sa couleur à dominante jaune soufre mêlée de vert et de rouge nous évoque les enfers et ses sites remarquables prendront les dénominations infernales de toutes les mythologies. Sur Io, les cratères proviennent des profondeurs et non des météorites ou comètes de l’espace. Elle devrait être glacée, comme ses consœurs, à -143°C de moyenne, mais la température de surface y passe allègrement de -193°C à 1720°C : pas de glace, mais des laves en fusion.

L’évolution rapide de ses reliefs étonnement démesurés pour son modeste rayon de 1821 km mérite une observation assidue qui s’avère difficile à cause de la magnétosphère délétère de Jupiter. Il faut entrer dans les enfers d’Io par étapes, car ils nous réservent bien des surprises. Et en ressortir aussi.

Un défi optique

Longtemps Io restera un défi à l’observation. Les premières lunettes ne sont pas assez puissantes pour en distinguer les détails. Ce n’est qu’au XIXe siècle que les télescopes commenceront à dévoiler sa grande particularité. Io a été observée la première fois le 7 janvier 1610 par Galilée, en même temps que Ganymède et Callisto, puis Europe un jour après.

Galilée s’apercevra aussi qu’il ne s’agissait pas d’étoiles, mais de satellites de Jupiter, qu’on appellera lunes galiléennes. Si l’astronome chinois Gan De les avait peut-être observées en 362 av J-C avec des moyens rudimentaires d’occultation, le contemporain de Galilée, Simon Marius, de réputation presque aussi sulfureuse qu’Io, prétendit l’avoir devancé de quelques jours.

Si ses dires ne furent pas retenus pour cause d’accusation de plagiat, le nom d’Io proposé par Marius finira par dépasser en usage celui de Jupiter I donné par Galilée. Bien triste Io, poursuivie par les assiduités de Zeus et la colère impitoyable d’Héra.

La proximité de Jupiter

Si vers 1800 on ne peut pas encore observer la surface d’Io, ses mouvements sont très étudiés. Les éphémérides de Cassini permettront à Laplace de créer un modèle mathématique rendant compte de la résonance orbitale d’Io, Europe et Ganymède orchestrée par Jupiter.

En effet Io, la plus proche à 422 000 km, parcourt son orbite en 42,5 h, la seconde Europe en exactement deux fois plus de temps, et la troisième Ganymède en quatre fois. Parallèlement, les trois lunes sont en rotation synchrone de leur révolution. Comme notre Lune pour la Terre, elles présentent chacune toujours la même face à Jupiter.

Io est d’ailleurs plus un ellipsoïde qu’une sphère, orienté vers Jupiter. Ce sont les premiers effets de la proximité de Jupiter, qui va rapprocher ou éloigner ses lunes les unes des autres selon leurs positions relatives jusqu’à entretenir cet équilibre stabilisé de résonance orbitale. Cette stabilité périodique n’exclut pas une excentricité de l’orbite d’Io, du fait des attractions croisées d’Europe et de Ganymède.

La distance à Jupiter varie de 1700 km à chaque révolution, et cela provoque sous l’effet de l’attraction énorme de Jupiter une onde de marée considérable d’une centaine de mètres. C’est la mère du volcanisme d’IO.

Io devant Jupiter
Io en orbite autour de Jupiter
© NASA/JPL/University of Arizona

Une source d’énergie considérable

Ce véritable malaxage permanent d’Io génère une énergie gigantesque, dont la puissance est estimée à 70 000 gigawatts. Rapporté à la surface modeste de la Lune, cela équivaudrait à une trentaine de fois notre flux géothermique terrestre, près de dix fois celui de nos zones les plus actives.

Sans commune mesure avec une radioactivité interne, c’est bien l’énergie générée par l’excentricité de l’orbite soumise à la gravitation qui constitue le moteur de l’activité géologique hors du commun d’Io. Pas de cratère d’impact visible, la surface est en perpétuel renouvellement, jusqu’à 1 cm par an selon certaines estimations.

Les volcans peuvent dépasser 4000 m de haut, les diamètres des caldeiras plusieurs dizaines de km. Des panaches de 300 km de haut ont été observés, propulsant des matières en fusion à trois fois la vitesse du son. Des dizaines de milliards de tonnes de lave pourraient ainsi recouvrir Io chaque année. Il n’est pas si aisé de voir et mesurer cette débauche d’énergie cataclysmique.

Une observation très progressive

Au XIXe siècle, les télescopes se perfectionnent et l’Américain Barnard est le premier à distinguer les pôles brun-rouge et la zone équatoriale blanc-jaune. Ce n’est qu’au milieu du XXe siècle que la nature très inhabituelle d’Io sera mise en évidence grâce à de nouvelles technologies.

La spectrographie constatera la quasi-absence d’eau, totalement à part des autres lunes galiléennes qui en sont largement pourvues, et la dominance de sels de sodium et de soufre. Les radiotélescopes constateront une forte influence d’Io sur la magnétosphère de Jupiter.

En 1973 et 1974, les sondes Pioneer 10 et 11 donneront les premières mesures de densité, bien plus forte que celles de ses consœurs, révéleront l’existence d’une faible atmosphère et d’une ceinture de radiations au niveau de son orbite. Une seule photo du pôle Nord pourra être récupérée.

Les radiations intenses constituent effectivement un obstacle majeur à l’observation en perturbant les communications. Un peu plus tard, certains calculs commencent à prévoir les conséquences des forces de marée qui seront confirmées par Voyager.

Les premières surprises des Voyager

1979 est l’année des deux missions Voyager aux abords d’IO. La première sonde fournira les premières images rendant compte de la surface d’IO : surfaces multicolores à dominante jaune, montagnes immenses, zones de lave, et jusqu’à neuf panaches simultanés.

Deux panaches faisaient 200 km de haut ! Elle constate une omniprésence de soufre et dioxyde de soufre en surface, dans l’atmosphère et dans le tore de plasma centré sur l’orbite. Quelques mois plus tard, la seconde sonde montrera une surface ayant déjà évolué.

Huit des panaches seront toujours visibles, indiquant qu’un des volcans, Pélé, avait interrompu son activité. La nature volcanique d’Io est établie.

Galileo en recherche plus systématique

Les sondes précédentes étaient de passage, en route vers l’infini, Galileo croisa dans les parages des lunes plusieurs années. Cassini-Huygens fait quelques observations de loin en 2000, dont des aurores et un survol de Galileo, puis plus tard, New horizon immortalisera en 2007, toujours en mode fugace vers sa destination, un énorme panache émis par Tvashtar et la naissance d’un nouveau volcan.

Galileo fera plusieurs passages, rapides car les radiations sont intenses, et espacés sur plusieurs années. Il en ressortira l’étendue du phénomène volcanique, une absence très controversée de champ magnétique, et l’existence d’un noyau métallique du type des planètes telluriques internes.

La structure interne d’Io se précise : un manteau riche en silicates et un noyau de fer ou de fer et soufre. Peu de photos sont prises à cause d’un problème technique, mais Galileo observe une éruption majeure indiquant la composition des laves. Elles sont constituées de magmas de silicates mafiques et ultramafiques, riches en fer et magnésium.

Sur Terre, ce type de laves est généralement produit par des volcans océaniques tels que ceux d’Hawaï, mais les laves d’Io seraient plus chaudes que les laves terrestres, les plus chaudes du système solaire : 1600°C contre 1300°C sur terre. Les gaz expulsés gèlent par contre rapidement et se condensent en halos bleutés. Galileo sera sabordée sur Jupiter pour limiter toutes contaminations, les télescopes terrestres et Hubble poursuivront les explorations avec un avantage : ils peuvent suivre les phénomènes évolutifs.

Comme deux Himalaya

De toutes ces observations il ressort trois types d’éruptions volcaniques : celles à vie longue, coulées continues et puissance modérée, comme Prométhée, celles à vie très courte et explosive, comme Pélé, enfin les éruptions intra-patera qui se produisent directement dans des dépressions aux bords abrupts, comme effondrées.

Certains volcans sont classiquement en relief, pouvant dépasser 4000 mètres, et d’autres à même le fond des Paterae ou cuvettes. Ces volcans semblent alors directement connectés aux chambres magmatiques. Les caldeiras sont très grandes, jusqu’à 200 km de diamètre pour Loki Patera, et des parois de 2000 mètres de haut.

Dans les lacs de soufre en fusion, parfois périodiques, on remarque des vagues de lave certainement provoquées par l’effondrement régulier de laves refroidies solidifiées. Certaines parois et montagnes s’effondrent littéralement sur elles-mêmes.

Autre phénomène inexpliqué, les panaches se déplacent. Celui de Prométhée, assez proche des volcans hawaïens, a bougé de 80 km en 17 ans. Sans doute le panache suit-il les coulées qui l’alimentent selon une chimie du soufre prépondérante sur Io. Néanmoins, les plus hauts sommets sont des montagnes sans cratère, de plus de 10 000 m pour certains, jusqu’à 16 000 m pour le plus élevé, soit deux Himalaya.

Les volcans sur Io
Les volcans sur Io
© NASA/JPL/University of Arizona

Il neige aussi sur Io, chaque nuit

L’absence d’eau et d’autres composés volatils a pu être favorisée par la proximité d’un Jupiter chaud il y a très longtemps. Pour nous terriens, il est difficile de nous représenter la chimie du soufre et du dioxyde de soufre qui remplace celle de l’eau et du carbone et donne à Io sa palette de couleurs : jaune, rouge, noir pour l’essentiel, vert également.

Les taches rouges apparaissent souvent près des cratères actifs. Elles se transforment un peu mystérieusement en taches vertes, peut-être par un mécanisme de sublimation. Ensuite, les taches rouges ou vertes se transforment en étendues jaunes plus proches de la couleur de la forme cyclique stable à huit atomes de soufre.

Le soufre peut givrer sous certaines conditions, créant des taches blanches parsemées en surface. Il est apparu que chaque « nuit » et plus précisément à chaque éclipse de Jupiter, l’atmosphère de la face sombre brutalement refroidie se rétracterait presque complètement en une couche de givre de soufre.

une dynamo et un tore de plasma

En conséquence d’une très faible pression, une mince atmosphère constituée essentiellement de dioxyde de soufre suit la distribution des volcans. Elle se trouve plutôt confinée à l’équateur, où apparaissent les aurores plutôt qu’aux pôles.

Plus haut dans l’ionosphère se retrouvent des atomes de soufre, d’oxygène et de sodium. Si les nuages de sodium sont très visibles, le sodium n’avait pas encore été détecté en surface, mais des mesures récentes d’Hubble suggèrent que c’est un composé important du magma.

Très exposés à la magnétosphère de Jupiter, ces atomes sont ionisés et l’interaction du champ magnétique jovien forme le tore de plasma en corotation de Jupiter le long de l’orbite à l’arrière d’Io. En traversant le champ magnétique de Jupiter, Io produit des courants électriques intenses, d’une puissance équivalente de plus d’un térawatt et d’un potentiel de 400 000 volts.

Portés par un plasma continu entre la planète et son satellite, ces courants suivent les lignes de champ et rejoignent les pôles de Jupiter pour y causer des éclairs de foudre et des spots auroraux. On vient de constater qu’il y a une relation entre l’intensité des aurores de Jupiter, son rayonnement radioélectrique bien connu, et l’activité volcanique d’Io gonflant la nébuleuse de sodium.

On savait que la position d’Io par rapport à la Terre influence l’intensité perçue des ondes radio émises par Jupiter, mais on découvre que l’activité d’Io contrôle bien plus profondément l’activité radioélectrique naturelle de Jupiter.

Sulfureuse Io
Sulfureuse Io
© NASA/JPL/University of Arizona

Que peut devenir Io ?

Les courants électriques seraient grandement responsables du tore d’Io et de l’évacuation des particules qui s’en échappent. Celles-ci iront alimenter pour partie la magnétosphère de Jupiter et participer à son immense étendue.

Cette perte de matière globale est continue et significative, l’atmosphère d’Io se renouvelant sans cesse à partir du volcanisme et de la sublimation en surface du dioxyde de soufre. D’après le rayonnement ultraviolet émis, la perte de substance peut être estimée à une tonne par seconde.

Si ce chiffre reste minime en regard des matières expulsées au sol, Io aurait cependant déjà perdu quelques km d’épaisseur. Toute cette énergie devrait finir par s’épuiser, mais Io est souvent considérée comme un astre primitif, un témoin du passé et un laboratoire de ce qu’aurait pu être notre terre il y a très longtemps.

Il est vraiment dommage que l’intensité des radiations qui l’entourent nous empêche d’approcher de plus près et plus longtemps cette maison du diable et du savoir.

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