Ganymède, le petit géant

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Taille : 5262 km de diamètre
Masse : 1,4819×1023 kg
Distance depuis la Terre : 628 Millions de km
Température : -160°C
1 jour / année sur Ganymède : 7 jours terrestres (rotation synchrone)
Missions vers Ganymède : Galileo
Surface : Glace

La lune glacée Ganymède règne sur la soixantaine de satellites naturels de Jupiter. C’est le plus grand d’entre tous. Deux des quatre lunes galiléennes sont sur le podium du système solaire pour la taille, mais Callisto est seulement troisième après Titan.

Ganymède, plus grand et massif satellite du système solaire, joue dans la cour des grands. Plus grand que Mercure, et presque autant que Mars, il aurait pu compter parmi les planètes, s’il n’était assujetti à l’immense Jupiter.

Cette prétention aurait été futile, car le champion est un poids plume. Deux fois moins lourd que Mercure, sa faible densité le ramène à sa catégorie de satellite. Avec deux fois la masse de notre Lune, la gravité y est pourtant un peu plus faible.

Cette ambivalence revient souvent dans l’étude de Ganymède, qui débouche parfois sur des hypothèses complètement alternatives. Champion muselé par Jupiter qui règle la résonance orbitale de ses trois premières grandes lunes, Ganymède est mis au pas comme Io et Europe.

Même son champ magnétique, cas unique pour un satellite, est écrasé par celui de son gigantesque maître, comme un symbole du héros troyen transformé en serviteur et amant du Grec tout-puissant. Par chance, il a encore la force de nous offrir les ovales auroraux.

Le serviteur est fatigué. L’apparence de la lune glacée paraît figée en deux temps superposés de son passé, laissant admirer ses sillons très caractéristiques.

Le premier découvert, car le plus grand

Le 7 janvier 1610, Galilée observe avec sa lunette artisanale trois-points à proximité immédiate de Jupiter. Il s’avérera quelques jours après qu’il ne s’agit pas d’étoiles, mais de corps orbitant autour de Jupiter. Nous savons qu’il s’agissait de Ganymède, Callisto et d’une image combinée d’Io et d’Europe, qui deviendront les lunes galiléennes.

Les astronomes Chinois ont pu devancer les Européens et Gan De les observer en 362 av J-C avec des moyens rudimentaires d’occultation. Car Ganymède peut parfois être visible à l’œil nu. Mais les deux mondes s’ignorent presque, et l’Europe construit sa propre histoire scientifique.

Galilée tente de nommer les lunes en l’honneur de ses mécènes, la famille Médicis. Simon Marius avait prétendu à tort les avoir découvertes quelques jours avant Galilée, mais c’est bien son choix qui perdure de nos jours.

Petite revanche de Galilée, Ganymède apparaîtra d’abord sous sa dénomination scientifique de Jupiter III, plus neutre que celle du bel échanson et amant de Zeus.

Une lune en coupe réglée

À plus d’un million de km de Jupiter, Ganymède est le septième de ses 68 satellites répertoriés, le troisième des lunes galiléennes, nettement plus grands que les autres. Avec les deux premières, il orbite en résonance autour de Jupiter, faisant une révolution en sept jours et trois heures quand Europe en fait deux et qu’IO, la plus proche de la planète, en fait quatre.

Cette résonance dite de Laplace provient des forces d’attraction de Jupiter, qui éloigne ou rapproche les satellites selon leurs conjonctions relatives pour tendre vers un équilibre idéal. Callisto, trop éloignée n’est pas affectée par le phénomène.

Comme souvent, la marée gravitationnelle a verrouillé la période de rotation de Ganymède également à sept jours et trois heures, ce qui lui fait présenter toujours la même face à Jupiter. Ajoutons que son orbite présente une faible inclinaison et une faible excentricité. Que cette excentricité subsiste suggère que Ganymède a peut-être changé plusieurs fois de résonance de Laplace, ce qui peut avoir causé ses sillons en surface.

Ganymède
Ganymède
© NASA/JPL/DLR

Plusieurs visites, pour beaucoup de questions en suspens

Les premières sondes à effleurer Ganymède furent Pioneer 10 et 11 en 1973 et 1974, puis de plus près Voyager 1 et 2 en 1979. Leurs photos immortalisèrent l’étonnante surface constituée de zones sombres et de zones claires, regios ou sulcus.

Cette partition est extrêmement marquée, avec des frontières bien nettes. Seules les sombres semblaient cratérisées. Les zones claires, avec leur allure de banquise, montrent des séries de lignes parallèles qui se croisent, les sillons.

En 2007 New horizon cartographia Ganymède en passant. Juno, arrivée en 2016 dans la place, ne visitera aucune des quatre lunes par souci de prévention d’un risque de contamination et finira sa vie désintégrée dans l’atmosphère de Jupiter.

Les télescopes apportent une contribution permanente. Ce sont les huit années de la mission Galileo qui fourniront de 1995 à 2003 l’essentiel des données de première main. Galileo photographiera la lune de près, et donnera aussi des informations sur son champ magnétique, cas unique.

La conjonction de tous ces moyens entraîne presque plus de questions que de réponses. Dans de nombreux cas, la compréhension de Ganymède suit un cours erratique, voire contradictoire.

Une atmosphère controversée

Ces errements apparaissent pour l’étude de l’atmosphère. En 1972, une observation par occultation annonce une fine atmosphère. L’occultation réalisée sept ans plus tard par Voyager 1 la contredira presque complètement.

En 1995, des mesures de luminescence réalisées par Hubble apporteront la preuve indirecte d’une présence significative de dioxygène. Non pas d’oxygène produit par un cycle de vie organique, mais plutôt par une séparation des molécules d’eau de surface sous l’effet des radiations.

L’hydrogène correspondant est d’ailleurs un composant attesté autour de Ganymède, mais en quantité mineure. Des bandes spectrales correspondant à l’ozone puis à des dimères d’oxygènes furent ensuite annoncées en 1996.

Néanmoins, il s’agirait d’oxygène en dissolution dans la glace. Le débat sur l’ionosphère ne nous éclaire guère. L’oxygène devrait en théorie s’ioniser en altitude sous effet des radiations. Malheureusement, les mesures de présence d’électrons par Galileo sont totalement contradictoires sur ce point.

Retenons ce que nous pouvons lire généralement : une fine atmosphère composée en majeure partie d’oxygène ! Rien qui ne puisse gâcher les somptueux clichés de Ganymède, confortés et précisés par Galileo.

Les quatre satellites galiléens de Jupiter
Les quatre satellites galiléens de Jupiter. Europe est le plus petit des quatre.
© NASA/JPL/DLR

Des particularités nombreuses, mais isolées

Dans l’enchevêtrement des zones sombres et claires omniprésentes, des structures plus marginales ont été repérées rappelant d’autres exo paysages. Les dénominations proviennent généralement de la mythologie et de l’histoire du Proche-Orient antique.

Quatre catenae principales, ou chaînes de cratères, font penser à Callisto, ainsi que dix-sept facules ou tâches brillantes. Trois fossae, tranchées importantes, donnent un air de Mars ou de Venus. Six paterae, sortes de vasques volcaniques équivalentes à des caldeiras rapprochent Ganymède de sa sœur Io.

Cent trente et un cratères d’impact isolés significatifs présentent des particularités propres. Les cratères sont peu élevés et comme adoucis, à tel point qu’ils sont parfois presque effacés et recouverts d’autres cratères, formant des palimpsestes.

Les cratères sont beaucoup plus nombreux et dégradés dans les zones sombres, ce qui suggère qu’elles sont très anciennes, quatre milliards d’années comme certaines régions lunaires, avant un grand bombardement de météorites.

Les cratères en zones claires semblent soit recouverts de glace, soit au-dessus, et donc anciens ou très jeunes. Ce qui marque les esprits, ce sont bien les régions sombres et sulci clairs.

Comme un air d’Islandis

Un tiers de la surface est constituée des zones sombres, dont cinq grandes régions. Galileo Regio fait 2500 km de diamètre. Les sulci, ou sillons, forment les deux autres tiers. Cet enchevêtrement, d’albédos assez important avec plus de 40% de lumière réfléchie, évoque l’islandis, où des nappes de glace alternent avec des zones rocheuses qu’elles encerclent.

Sur Ganymède, ces nappes prennent une allure rectiligne striée de longs sillons et dorsales parallèles. La largeur du sillon d’Uruk est de 2200 km. Si la différenciation roches versus glaces semble bien attestée, la genèse des sulci partage les opinions : y a-t-il réellement du cryovolcanisme comme semble l’indiquer certains cratères jeunes débordants de rayons clairs lumineux ?

Les sillons ont-ils été créés par une petite dilatation de Ganymède ? Les sulci évoluent-ils lentement, soit par gravité comme nos glaciers, soit plus probablement par une forme de tectonique des plaques ? L’alternance Regio/sulci est-elle alors une forme spécifique de structures Horsts/Grabens dues aux forces de marée ayant entraîné des failles ? Rien ne paraît établi avec certitude, d’autant qu’il existe au moins une structure particulière de sillons circulaires !

Le tableau sera plus complet si on ajoute une bosse équatoriale et deux calottes glaciaires certainement favorisées par un bombardement du plasma plus intense aux pôles, entraînant une accumulation locale de givre. La température de surface évolue de 70 à 150°K, pour une moyenne de 110°K.

Composition légère

La composition de Ganymède, déduite de sa densité parmi les plus faibles, se partagerait à parts à peu près égales de glaces d’eau et de roches silicatées. De l’argile pourrait recouvrir les régions sombres. Le ratio fer/silicium de Ganymède étant plus faible que la moyenne solaire, la composition des roches serait alors proche de celle des chondrites ordinaires L et LL, les plus légères et moins riches en fer.

Les analyses spectrales indiquent plusieurs composés. Le dioxyde de soufre est en quantité plus importante sur l’hémisphère arrière, donnant une brillance globale asymétrique. Contrairement à Callisto, le dioxyde de carbone semble relativement uniforme, sans concentration particulière autour des cratères: il est probablement en voie d’épuisement.

On note des composés organiques, des acides et surtout des sulfates de sodium et magnésium, indices de l’océan interne. La structure apparemment différenciée serait constituée d’un noyau de fer et sulfure de fer entouré d’un manteau rocheux de silicates. La grande proportion d’eau induite par la densité est un second indice de l’océan interne sous-glaciaire.

Un consensus récent basé sur une thermodynamique appropriée semble émerger sur la possibilité de plusieurs océans coincés entre différentes couches de glace. Si la couche océanique la plus profonde est en contact avec le manteau rocheux, alors Ganymède remplirait des conditions possibles d’apparition de la vie.

Ganymède et Jupiter
Ganymède et Jupiter. Photo prise par la sonde Cassini en décembre 2000.
© NASA/JPL/University of Arizona

Une magnétosphère complexe, mais de belles aurores

Les présences d’un noyau ferreux et d’un océan salé conducteur entretiennent d’âpres spéculations sur l’origine du champ magnétique propre de Ganymède. Au milieu de la magnétosphère puissante de Jupiter, Galileo mesura un moment magnétique opposé à celui de Jupiter.

Le champ magnétique, orienté à 178°, est plus puissant que celui de Jupiter vers l’équateur, permettant aux lignes de champ normalement ouvertes de s’y refermer localement. Une sorte de ceinture de Van Allen y piège localement des ions O+, confortant la présence d’oxygène dans l’atmosphère.

Aux pôles, Ganymède reste connecté à l’ionosphère Jovienne extrêmement puissante. Des ions lourds bombardent et assombrissent la glace. Cette configuration unique de champs enchevêtrés explique les aurores polaires qui oscillent en ovale aux frontières.

Des mesures par Hubble en 2015 de leurs déplacements confirmeraient la présence d’un énorme océan sous-glaciaire induisant un troisième champ du type Callisto ou Europe qui amortirait leurs oscillations. Le champ intrinsèque produit par le noyau ferreux demeure une énigme atypique, car le noyau aurait dû se refroidir suffisamment et le faire disparaître.

Est-ce un champ vestige, ou le noyau aurait-il été réchauffé par les changements de résonances orbitales supposés? Il faudra attendre le projet JUICE vers 2025 avec un possible atterrisseur russe Laplace-P pour espérer faire un nouveau pas vers le petit géant si intrigant.

Colonisation humaine en ligne de mire

L’eau en quantité et la gravité proche de celle de la lune sont intéressantes pour l’établissement humain. La légère pesanteur favorise les décollages sans trop nous nuire physiologiquement.

Malheureusement, les fortes radiations joviennes donnent une préférence à Callisto dans cette idée incroyable de base de transit. Avant, l’ESA devra confirmer la mission JUICE. Space X a étendu récemment son projet Interplanetary Transport System aux satellites de Jupiter. Le voyage commence à le disputer à la science, et le beau Ganymède pourrait un jour nous attirer à lui !

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