Le nuage d'Oort

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Si nous dépassions Neptune et traversions la ceinture de Kuiper, nous croiserions d’abord des corps épars, et sans doute entrerions-nous dans le nuage d’Oort. Curieux nuage, dont les gouttes seraient des comètes. Là-bas, les échelles changent et défient notre imagination humaine.

Avant de parler de chiffres, tentons d’appréhender les distances. Vingt mille fois la distance du Soleil à la Terre ! Si nous faisions ce voyage imaginaire, le message de notre arrivée, pour rassurer nos amis restés sur terre, mettrait près de deux ans pour leur arriver. Cela dit, nous les aurions quittés depuis si longtemps.

Le plus troublant, c’est que le nuage est dans toutes les directions. Pas seulement à 360°, comme notre tour d’horizon, mais bien comme une double voute céleste. Si nous sortions du nuage, dans la bonne direction, nous aurions fait un quart du trajet jusqu’à Proxima du Centaure, plus proche voisine du Soleil.

Ce voyage imaginaire, impossible pour nous-mêmes, est entrepris par des sondes expérimentales, mais ce n’est pas certain qu’elles rencontrent ce nuage encore hypothétique. Entreprenons ce voyage, tant dans le temps que dans l’espace.

De l’étonnante prophétie de Halley à la vision d’Öpik

En 1705, Halley comprend que les comètes de 1531, 1607 et 1682 sont une même et seule comète, et qu’elle devrait revenir vers Noël 1758. Halley, il le savait en publiant ses recherches, ne verra pas la confirmation de ses calculs, mais laissera son nom à une de nos plus célèbres visiteuses.

Beaucoup plus étonnant, il écrit également qu’il existe probablement d’autres comètes qui échappent à l’observation, car trop lointaines. Dès cette époque, les esprits éclairés imaginent la possibilité d’astres invisibles. Rappelons qu'Uranus, à peine visible depuis la Terre, n’a été découverte qu’en 1781, terminant de bousculer l’ancienne vision de l’univers.

L’observation des comètes est moins sensible de ce point de vue, et va permettre bien des avancées, mais qui ont pris beaucoup de temps. Il faut dire qu’à part les régulières comme Halley, les comètes apparaissent n’importe quand et de tous les horizons.

En 1932, l’astronome Ernst Öpik est le premier à postuler l’existence d’une sorte de nuage de comètes orbitant à l’extrême limite du système solaire.

Ernst Öpik
Ernst Öpik
Image Wikipédia

Oort, le visionnaire qui concrétise

Indépendamment d’Öpik, le Néerlandais Jan Oort travaille sur un paradoxe qui commence à intriguer le monde scientifique. Les comètes tendent à disparaître au fil de leurs passages au cœur du système solaire : la queue des comètes a vite été associée à une perte de leur substance.

Cela contredit l’idée d’un nombre de comètes historiques au début du système solaire : si les comètes disparaissent au fur et à mesure, il ne devrait plus en exister. Oort en conclut qu’un énorme réservoir d’innombrables noyaux cométaires stables existe très loin du soleil, là où son énergie devient quasiment insensible.

Il extrapole le nombre de plusieurs millions de comètes latentes, remplaçant progressivement en un flux continuel celles qui sont détruites. Il en déduit une masse de plusieurs fois la Terre pour pouvoir alimenter cet apport continuel de matière.

Oort étudie alors 46 comètes correctement observées depuis 1850, plus particulièrement la répartition des inverses de leurs demi-grands axes. Cette répartition indique un maximum d’occurrences provenant d’une zone comprise entre 40 000 et 50 000 UA (0,6 à 0,8 année-lumière si l’on préfère). Voici le nuage d’Oort, ou Öpik-Oort, fixé dans l’espace, bien que personne n’ait pu l’observer.

Jan Oort
Jan Oort
Image Wikipédia

La statistique des comètes

Il est intéressant de noter qu’Oort utilisa un moyen statistique. Après la lunette, le calcul mathématique, la simulation numérique, cette technique nouvellement utilisée en observation est adaptée au cas du nuage, qui n’est pas un corps singulier, mais une distribution de corps.

Il devient nécessaire d’évoquer les comètes, ou plutôt les types de comètes. Assez vite les astronomes distinguèrent des comètes régulières et des comètes perçues comme aléatoires. En réalité, la majorité des comètes répertoriées sont périodiques, avec une grande trajectoire elliptique souvent allongée.

Il existe des comètes à trajectoire hyperbolique, d’excentricité supérieure à 1, qui semblent venir de l’extérieur du système solaire ou en sortir. Pour toutes les autres, c’est la période qui fait une grande différence. Celles à période courte, moins de 200 ans, proviendraient de la ceinture de Kuiper, les autres, à périodes longues, proviendraient donc du nuage d’Oort.

Autre indice, les périodes courtes sont globalement dans l’axe de l’écliptique comme la ceinture de Kuiper, alors que les périodes longues proviennent de tous les horizons. Ajoutons que les comètes à périodes courtes pourraient transiter par l’état intermédiaire des Centaures.

Pour terminer ces généralités, les étoiles filantes sont des nuages de poussière que traverse la Terre, donc une autre famille sans rapport avec le nuage d’Oort. Toujours est-il que l’existence du nuage d’Oort dépend aujourd’hui de l’étude des comètes qui en seraient éjectées. Et voici un nouveau problème.

Éjection ou pluie de comètes : le nuage de Hills

L’image du nuage qui évoque la pluie est trompeuse. Oort déjà avait signalé que le nuage se trouvait à une distance telle qu’il n’y avait plus d’influence gravitationnelle solaire. Il avait émis l’idée qu’il pouvait être sensible à des effets stellaires capables d’expulser des comètes vers l’extérieur ou l’intérieur du système solaire.

Dans les années 1980 apparaît la possibilité d’un démarrage du nuage bien plus près, juste après la ceinture de Kuiper. En 1981, Hills développe sa théorie en partant de l’hypothèse d’une pluie de comètes, provoqué par le passage d’une étoile, qui aurait été la cause d’une grande extinction d’espèces terrestres.

Statistiquement, Hills calcule que la majeure partie de la masse cométaire proviendrait d’orbites de demi-grands axes de 10 000 UA, plus près donc du soleil que le nuage d’Oort. Il en déduit l’existence probable d’un nuage interne d’Oort, qui prendra son nom, plus torique et massif, prolongé par le nuage externe d’Oort beaucoup moins dense. Il ajoute que l’effet de marée galactique de la Voie lactée devait exercer un effet de traction sur le nuage d’Oort censé l’appauvrir.

Ce serait le nuage de Hills, cinq fois plus massif, qui le réapprovisionnerait en comètes. Le nuage interne pourrait aussi être l’origine d’une partie des comètes à courte période, en complément de la ceinture de Kuiper.

La structure interne/externe généralement acceptée

À ce jour, la plupart des scientifiques s’accordent sur cette structure de nuage interne et externe. Le nuage démarrerait après 50 UA, par le nuage interne de Hills, torique de 1000 à 20 000 UA, et se poursuivrait par le nuage externe d’Oort, sphérique de 20 000 UA jusqu’à 150 000 UA ou plus.

La masse du nuage externe a été revue à la baisse, quelques masses terrestres tout au plus, suite à l’étude statistique des comètes à période longue. Il serait composé de milliards de milliards de noyaux de l’ordre du km de diamètre, évoluant lentement à des dizaines de millions de km les uns des autres.

La masse du nuage de Hills, plus dense, est actuellement statistiquement estimée par Bailey à 13,8 masses terrestres, selon l’hypothèse d’une majorité de corps situés vers 10 000 UA.

Que sont les noyaux ?

En admettant que les comètes soient représentatives de l’ensemble du nuage (maudites statistiques !), les corps se composeraient de diverses glaces d’eau, d’ammoniac, de méthane, d’éthane, de monoxyde de carbone et de cyanure d’hydrogène.

Cette composition explique bien la chevelure et la queue des comètes. Depuis on a découvert 1996 PW qui a une orbite héliocentrique du type longue période en provenance d’Oort, mais rocheux. Il a initié la famille des Damocloïdes.

Est-ce une comète éteinte ou un corps rocheux dès l’origine ? Il est donc possible que le nuage d’Oort contienne également des corps rocheux dans une proportion à déterminer.

Comète
Image A Owen de Pixabay

Les hypothèses de la genèse

Lorsque la nébuleuse solaire s’est effondrée sur elle-même, un disque protoplanétaire originel s’est formé, qui donnera naissance à nos planètes. Le nuage d’Oort en serait un reliquat qui aurait été repoussé par l’interaction gravitationnelle des planètes géantes.

Loin du soleil, les interactions des étoiles voisines et le phénomène de marée galactique auraient rendu le nuage quasi sphérique. Disons à ce propos que nos étoiles voisines possèdent aussi probablement des nuages, sans écarter l’idée d’une sorte de continuum.

Les scientifiques pensent que le nuage de Hills se serait constitué un peu plus tard, à l’occasion du passage d’une étoile près du Soleil qui lui aurait donné son aspect torique différent du nuage externe. La prédiction du passage prochain de Gliese 710, 1,4 million d’années tout de même, risque de perturber à nouveau les nuages et entraîner une nouvelle pluie de comètes, voire une nouvelle extinction massive.

Très éloigné du soleil, le nuage est très sensible aux étoiles. Sedna pourrait-elle nous renseigner ?

Sedna le hollandais volant

Une frontière invisible peut marquer le début du nuage : l’influence de Neptune. Nous savons qu’une partie des corps de la ceinture de Kuiper montre des résonances avec Neptune.

Plus loin, il existe des objets épars comme la planète naine Éris qui reste en résonance légère avec Neptune. Un peu plus petit, Sedna, candidate au statut de planète naine, a été découverte en 2003 à 86,4 UA, soit trois fois la distance de Neptune au soleil. On sait maintenant que c’était presque son périhélie, son point le plus proche du soleil qui est de 76 UA.

Par chance, on la repéra sur des photographies plus anciennes, permettant d’affiner ses paramètres orbitaux. Son aphélie est de 960 UA, soit un des objets connus les plus lointains pendant une bonne partie des 12 000 ans de sa trajectoire. Sedna a tellement intrigué qu’elle a été dénommée « le hollandais volant ».

Était-elle un objet épars comme Éris ? On peut pourtant douter qu’elle ait pu si loin être influencée par Neptune, et certains pensent que c’est le premier corps du nuage d’Oort. Très rouge, comme les Cubewanos de Kuiper, Sedna a pu se former au même endroit qu’eux.

Deux autres hypothèses évoquent l’attraction d’une planète inconnue, ou d’une étoile de passage comme celle qui aurait formé le nuage de Hills. Depuis, une dizaine d’objets détachés ont été découverts.

Quelques cailloux sur la piste du nuage

Les objets détachés, comprendre de l’influence neptunienne, qui ont leur périhélie supérieur à 75 UA orbitent dans la zone présumée du nuage de Hills. Toujours en permanence au-delà de la ceinture de Kuiper, ils sont nommés sednoïdes depuis la découverte de 2012 VP113, premier confrère de Sedna.

Au nombre de cinq à ce jour, leurs orbites s’approchent de celles de comètes à périodes longues. Quatre comètes d’aphélies immenses pourraient faire partie du nuage d’Oort externe, repoussant sa limite à plus de 150 000 UA.

Et l’homme tente tout de même

Si Rosetta a exploré la comète « Tchouri », ce n’était pas dans le nuage. Nous sommes sur la piste, avec des bouteilles à la mer. Les deux Pioneers et Voyager 2 dépassent les 100 UA.

Voyager 1, lancé en 1977, se trouve actuellement à 138 UA, en limite de l’héliosphère, mais quitte le plan de l’écliptique. S’il devait quitter le nuage d’Oort, ce serait dans 25 000 ans. L’espoir fait vivre.

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