La ceinture de Kuiper

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Après Neptune, notre système solaire ne prend pas fin brutalement. Pluton a été considérée pendant quelques dizaines d’années comme notre neuvième planète. Aujourd’hui, elle est classée planète naine et fait partie de la ceinture de Kuiper.

Débutant bien au-delà de Neptune, épaisse d’une dizaine de degrés de part et d’autre de l’écliptique, celle-ci est très étendue vers l’extérieur. Dans l’espace, la ceinture s’apparente donc plutôt à un tore virtuel aplati et très peu incliné, peuplé d’une multitude de corps petits à assez grands, comme Pluton.

Attention, ne la confondons ni avec la ceinture d’astéroïdes située entre Mars et Jupiter, ni avec les Centaures qui errent entre Jupiter et Neptune, encore moins avec le nuage d’Oort, beaucoup plus vaste et lointain, aux confins du système solaire.

Comme ce dernier, la ceinture de Kuiper est un des grands réservoirs de comètes. Une partie des objets de la ceinture de Kuiper ont leur orbite en diverses résonances de celle de Neptune, formant ainsi un fascinant ballet cosmique.

Et Pluton fut la solution X

Dès 1840, les anomalies de l’orbite d’Uranus génèrent beaucoup d’interrogations et d’hypothèses. L’une d’elles concerne la planète X. La découverte de Neptune en 1948 ne résout pas toutes les anomalies constatées.

Les supputations et les recherches d’autres planètes poursuivent leurs cours : on en a trouvé une, pourquoi pas d’autres. Les recherches infructueuses les plus remarquables sont celles de Pickering et de Lowell.

Le premier cherchait jusqu’à sept planètes, nommées chacune par les lettres O, P, Q, R, S,T,U, et le second, connu pour ses travaux sur les canaux martiens, fit deux campagnes de recherche de la planète X, avec deux probables clichés en 1915 non validés par la postérité.

C’est Tombaugh, astronome amateur à l’origine, qui découvrira Pluton fin janvier 1930. La recherche de X était résolue, mais ce n’était que les prémisses de notre affaire.

Une série d’hypothèses

L’étude de Pluton montrera assez vite que ce ne pouvait être la planète X : trop petite, d’orbite trop excentrique. À défaut du titre X, Pluton restera longtemps la neuvième planète.

Ce qui est surprenant, c’est que dès 1930, Frédéric C. Léonard émet l’hypothèse d’une population transneptunienne. Edgeworth émet en 1943 une élégante théorie selon laquelle les matériaux de la nébuleuse solaire, la matière primitive, ne peuvent s’agréger suffisamment à ces distances pour former de grosses planètes, mais peuvent générer une multitude de petits corps.

En 1951, Kuiper formalise l’hypothèse d’un ancien disque qu’aurait éparpillé la massive Pluton, qu’on imagine de la taille de la terre à l’époque. Paradoxe : selon cette hypothèse, la ceinture de Kuiper aurait dû disparaître. Mais l’hypothèse fera long feu avec une série d’adaptations, et l’histoire retiendra Kuiper, bien que parfois, et c’est justice, on parle de la ceinture d’Edgeworth-Kuiper.

Pour compléter la prospective, car Pluton est toujours très seule dans les années 50, Cameron et Whipple échafaudent des postulats sur la capacité d’une masse de corps à rendre compte des variations de l’orbite d’Uranus ou de déviations de comètes. Tout cela restera conjectures jusqu’en 1992.

De l’intérêt d’observer les comètes

La recherche de la planète X aura permis de découvrir les premiers Centaures : Chiron en 1977, Pholos en 1992. Ces objets situés entre Jupiter et Neptune, assez similaires aux comètes, auraient des orbites instables et relativement brèves au regard de l’histoire de notre système solaire.

D’où l’idée d’un réservoir situé au-delà et alimentant leur apparition. Mais ce sont les comètes véritables qui ont aidé à la confirmation de la ceinture de Kuiper. Celles-ci ont toujours fasciné les astronomes, qui ont vite vu qu’elles avaient tendance à disparaître, comme rongées petit à petit, se sublimant en s’approchant du Soleil.

Oort a exprimé qu’il y avait donc forcément un flux de remplacement en provenance de la partie externe du système solaire, le fameux nuage éponyme éjectant de temps à autre des comètes sous l’effet gravitationnel des planètes extérieures.

D’autres observations ont conduit à différencier deux grandes catégories de comètes : celles à courte période, type Halley, et celles à longues périodes. Les premières, de période d’une durée inférieure à 200 ans, ont la caractéristique d’être proches du plan de l’écliptique, les secondes viennent de toutes les directions de l’espace. Certaines étaient-elles donc capturées par les planètes ?

La ceinture de Kuiper
Image d'artiste de la navette New Horizons croisant 2014 MU69 (objet de la ceinture de Kuiper)
© NASA/JPL/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute/Steve Gribben

De l’intérêt de l’informatique et des simulations numériques

Par simulation, le nuage d’Oort expliquait mal la trajectoire spécifique quasi circulaire des comètes de période courte : il y en avait trop pour être toutes des comètes quelconques captées par nos planètes géantes.

En 1980, Julio Fernandez est le premier à spéculer une ceinture cométaire qu’il situe entre 35 et 50 UA. Rappelons que l’UA correspond à la distance Terre-Soleil. Tremaine réalise en 1988 les simulations qui confirment les travaux de Fernandez, et institue le terme de ceinture de Kuiper, sorte de contraction de l’introduction de Fernandez, tandis qu’en 1992 Jewitt et Luu, astronomes motivés par d’autres raisons, observent un candidat sérieux : 1992 QB1, suivi de peu par 1993 FW.

Depuis, un bon millier d’objets ont été répertoriés dans la zone de la ceinture, celle-ci n’est plus considérée comme hypothétique et serait bien la source des comètes à périodes courtes qui viennent nous visiter régulièrement.

Une origine trouble pour une masse intrigante

Les spécialistes restent dans l’expectative sur l’origine de la ceinture de Kuiper. Elle résiste aux simulations les plus avancées. L’explication la plus courante fait référence aux planétésimaux issus du disque protoplanétaire. Celui-ci en se désagrégeant aurait formé les planètes dans certaines conditions, mais les fragments trop petits et éloignés ne pouvaient s’agréger suffisamment.

Quoi qu’il en soit, le nombre des corps qui constituent la ceinture de Kuiper serait de l’ordre de 200 millions, mais tous de petite taille, bien inférieure à celle de leur championne Pluton. Ce n’est qu’à partir de 1994 que Hubble permet de détecter des corps de diamètre inférieur à la centaine de kilomètres.

Notre technologie est encore loin de pouvoir observer des fragments beaucoup plus petits. Pour autant, certaines techniques ont prouvé l’existence de disques de débris autour d’étoiles comme Vega ou Fomalhaut.

La formation de ces disques a été théorisée par l’effet Poynting-Robertson qui fait intervenir la radiation solaire. Des estimations contradictoires subsistent sur la masse de notre ceinture de Kuiper. Les modèles d’accrétion basés sur la possibilité de générer Pluton prédisent une trentaine de masses terrestres pour seulement un dixième selon les extrapolations des observations. Qu’aurait-il pu se passer ?

Les planètes migrent aussi

Si la masse de la ceinture est si faible, comment Pluton a-t-elle pu se former ? Ou Triton, le massif satellite de Neptune qui en proviendrait ? Certaines observations suggèrent que Neptune se serait formée plus près du soleil que sa position actuelle et aurait migré jusqu’au bord du disque protoplanétaire, là où pouvaient encore se former des corps significatifs.

Neptune aurait alors repoussé vers l’extérieur les objets formant la ceinture lors de sa migration. Ainsi la ceinture se serait formée initialement à 30 UA, orbite actuelle de Neptune, pour s’étaler bien plus loin selon une structure très particulière.

Et les corps de la ceinture résonnent

Les corps qui composent la ceinture ne semblent pas tous disposés au hasard, mais selon une série de demi-grands axes, comme des anneaux de plus en plus éloignés. Pour certains, ces objets sont en résonance avec Neptune.

En effet, du fait de l’attraction gravitationnelle, les corps suffisamment proches tendent à harmoniser leur période de rotation, et ceux de la ceinture à se synchroniser sur l’énorme métronome Neptune, tournant selon une fraction entière de la rotation de Neptune.

Il existe d’ailleurs quelques troyens de Neptune, de résonance 1/1. Les objets de la ceinture de Kuiper, ou KBO, sont donc classés selon leurs paramètres orbitaux, et leur résonance éventuelle.

Entre résonances orbitales mineures et majeures

Les Plutinos, tels Pluton, Ixion ou Orcus, sont en résonance 2/3 avec Neptune. Plus de 200 objets répertoriés vers 39,5 UA effectuent exactement deux révolutions autour du soleil quand Neptune en effectue trois.

L’excentricité importante de leurs orbites suggère également qu’ils ont migré avant d’être attirés et stabilisés. Les Twotinos vers 42 UA, sont moins nombreux, et gravitent en résonance 2/1, soit deux tours pour un tour de Neptune. Les autres résonances, dites mineures, sont beaucoup moins peuplées.

Entre 42 et 48 UA, l’influence faible de Neptune autorise des objets épars sans résonance appelés communément Cubewanos, en mémoire du fameux précurseur QB1. Formant les 2/3 des objets de la ceinture, les Cubewanos sont de deux types bien distincts.

Le premier, assez rouge, d’orbite circulaire et de faible excentricité et inclinaison, est caractérisé de « dynamiquement froid », par analogie à la thermodynamique des gaz. L’autre type, « dynamiquement chaud », bien qu’aussi glacé que les premiers, est caractérisé par des orbites beaucoup plus inclinées, de l’ordre de 30°.

Cette population chaude aurait pu se former initialement vers Jupiter, alors que la froide serait endémique. L’ensemble est aussi appelé ceinture classique pour la distinguer des résonances.

Frontières mystérieuses : la falaise de Kuiper

La ceinture démarre officiellement vers 35 UA, mais avec peu d’objets, dont deux petites résonances 4/5 et 3/5. L’essentiel se concentre après 39,4 UA, à partir des Plutinos. On considère souvent que les Twotinos forment le bord externe de la ceinture vers 47,8 UA.

Effectivement, peu d’objets ont été repérés au-delà, bien qu’une résonance 2/5 vers 55 UA compte déjà une dizaine d’objets et marque une fin théorique de la ceinture. Au-delà, il existe pourtant encore quelques objets solitaires en résonance avec Neptune, comme la planète naine Éris, la plus massive du système solaire, mais la chute brutale du nombre d’objets après 48 UA a donné naissance à la terminologie de « falaise de Kuiper ».

Elle est très mal comprise, et nourrit l’hypothèse d’une planète assez massive encore inconnue.

Mais que sont les objets de Kuiper ?

La distance rend la spectroscopie extrêmement difficile, mais de nombreux composés ont pu être identifiés. Cette diversité intrigue. De couleurs différentes, du gris au rouge, de tailles très diverses, les objets seraient principalement constitués de glaces de méthane, d’ammoniac et d’eau, une composition proche de celles des comètes.

Tous ces petits objets sont à 50°K (-223°C). On estime à plus de 70 000 les objets de diamètres supérieurs à 100 km, dont trois des cinq planètes naines approuvées : Pluton, 2300 km de diamètre et cinq lunes, Makémaké et Hauméa qui a deux lunes. Citons que Pluton et son satellite Charon forment un système binaire typique.

Pluton et Charon
Images reconstituées de Pluton (en bas à droite) et de Charon (en haut à gauche), à partir des clichés de New Horizons.
© NASA/JPL/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute

Vivement un nouvel horizon

Comment étudier tous ces objets, de magnitude très élevée, parfois invisibles avec les meilleurs télescopes ? Pour les petits objets, une méthode aussi utilisée en recherche extra solaire peut être l’occultation stellaire, lorsque l’objet modifie l’éclat d’une étoile en passant devant.

Aucune sonde n’avait encore exploré la ceinture avant le survol de Pluton par New Horizons en juillet 2015. La sonde a visité un certain 2014 MU69 le 1er janvier 2019. Révélé en 2014 par Hubble, il se situe à 43,4 UA, d’un diamètre estimé à une trentaine de km.

Après de belles images de Pluton et de ses lunes, New Horizons a pu suivre la trajectoire de 1994 JR1 (Arawn), actuellement le KBO photographié de plus près, et déterminer sa période de rotation et sa position avec une bonne précision.

Nous attendons désormais avec impatience des nouvelles de MU69 !

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