Europe, la bille gelée couleur ivoire

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Taille : 1560 km de diamètre
Masse : 4,8×1022 kg
Distance depuis la Terre : 628 Millions de km
Température : -148°C
1 jour / année sur Europe : 3,5 jours terrestres (rotation synchrone)
Missions vers Io : Galileo
Surface : Glace

La lune glacée Europe est la plus petite des lunes galiléennes, pourtant la sixième en taille du système solaire, juste après notre Lune. Seule Saturne fait mieux que la Terre avec Titan à la seconde place, bousculant l’hégémonie de Jupiter.

Europe, avec ses 3120 km de diamètre, distance considérablement Amalthée, le cinquième satellite de Jupiter qu’on a du mal à appeler lune, et de peu Triton, la lune de Neptune, plus grand lui-même que les planètes naines Pluton et Éris.

Europe est suffisamment grande pour rassembler de nombreuses particularités. Son apparence de lisse bille d’ivoire striée de nervures ocre, n’est pas la moindre. Elle peut lui donner une patine de dame de Brassempouy, ou d’antiques boules de billard. Mais ce sont certainement les dernières découvertes d’activités qui nous fascinent le plus et nous tiennent en haleine.

Geysers, océan interne, cela bouge sous la surface, cela craque en surface, avec autant de possibilités d’y découvrir des formes de vie. Les huit années de la mission Galileo donnent la majeure partie des informations quasi in situ. Celles fournies par Voyager en 1979 étaient peu précises. Les télescopes complètent avec des données prises au long terme, cruciales pour un monde qui évolue. Europe a une extraordinaire complexité cachée dans une apparente uniformité.

Découverte avec un peu de retard

Le 7 janvier 1610, Galilée observa avec une lunette trois-points à proximité immédiate de Jupiter. Un quatrième, future Europe, apparaîtra plus clairement le lendemain, donc le 8. Il s’avérera qu’il ne s’agissait pas d’étoiles, mais des lunes galiléennes orbitant autour de Jupiter. L’astronome chinois Gan De aurait probablement observé Ganymède en 362 av J-C avec des moyens rudimentaires d’occultation.

C’est bien plus incertain pour Europe, plus petite et proche de Jupiter, mais théoriquement visible à l’œil nu dans des conditions exceptionnellement favorables. La découverte de Galilée fut chahutée par l’astronome Simon Marius qui avait prétendu l’avoir devancé de quelques jours. Le nom d’Europe proposé par Marius sera l’héritage tardif de cette petite mystification alors que Galilée tentait de nommer les lunes en l’honneur de ses mécènes, les Médicis. Il imposera cependant au départ sa dénomination scientifique de Jupiter II, bien moins poétique que celle de la belle et imprudente Phénicienne enlevée par un Zeus métamorphosé en taureau blanc.

Europe et le dédale des dénominations

Jupiter II, utilisée très longtemps exclusivement, indiquait qu’Europe était la seconde lune galiléenne, après IO et avant Ganymède, à 671000 km de Jupiter, presque deux fois la distance Terre/Lune. Cette dénomination aurait dû être bousculée en 1892 avec la découverte d’Amalthée, petite, mais plus proche encore qu’IO de Jupiter, puis encore en 1979 quand Voyager repéra trois autres petits satellites intérieurs.

Il fut décidé la préséance historique sur la réalité orbitographique pure, et Europe restera officiellement Jupiter II. La dénomination de Marius, inspirée par Kepler, plus intemporelle, a pris depuis un ascendant dans le langage commun. Sur un autre registre, Europe illustre le mécanisme du choix des dénominations des sites, qui procède d’analogies avec la mythologie.

On trouvera évidemment des références au mythe grec d’Europe, et beaucoup à la mythologie celtique et gaélique. C’est un joli clin d’œil, voulu ou pas, aux peuples qui firent la première grande unité européenne, brouillonne, mais si étendue. Et dans le panthéon indo-européen, leur mythologie fait une part si belle aux forces souterraines !

Les quatre satellites galiléens de Jupiter
Les quatre satellites galiléens de Jupiter. Europe est le plus petit des quatre.
© NASA/JPL/DLR

Une allure de banquise terrestre très plate et lisse

L’albédo de la surface d’Europe, recouverte d’une couche de glace, est un des plus importants du système solaire. Europe réfléchit 68% de la lumière reçue. Les estimations de l’épaisseur de glace sont contradictoires, de quelques kilomètres à une centaine. La température de surface est plus précise : 150°K en moyenne, de 110 à l’équateur jusqu’à seulement 50 aux pôles.

Comme pour nos banquises, le relief est très peu prononcé, avec souvent moins de cent mètres d’écart d’altitude. C’est tout à fait remarquable à la dimension de la lune complète, où seulement trois types de motifs endogènes se répètent, s’enchevêtrent et se superposent : un réseau de stries ocre, les lineae partout observables, des tâches ou lenticulae, interprétées comme des dômes ou des dépressions, enfin des chaos de blocs glacés. Il y a peu de cratères d’impact exogènes, souvent de moins de 5 km de diamètre, suggérant une surface en constant renouvellement.

Une surface bicolore

Les lenticulae portent bien leurs noms, le mot signifiant lentille et tache de rousseur. Les motifs sont ocre ou rouille, laissant penser à des substances se mélangeant à la glace le long de fractures ou au fond de cuvettes. Il s’agirait d’accumulation de sels de magnésium ou de sodium, peut-être également d’acide sulfurique, alors qu’en d’autres endroits les glaces sont plus pures.

Le sulfate de magnésium, bien attesté par analyse spectrale, est incolore, il y a donc présence d’autres éléments chimiques colorés inconnus, avec une préférence pour le fer ou le soufre. On peut penser qu’il y a aussi quelques composés organiques. Une asymétrie d’ensemble entre une face plus jaune et l’autre plus marron demeure inexpliquée.

Un environnement extérieur peu loquace

L’étude de l’atmosphère très ténue nous donne peu d’indications complémentaires : elle est essentiellement composée d’oxygène. La glace d’eau de surface soumise aux UV solaires violents et à la magnétosphère jovienne se décompose par radiolyse. L’hydrogène léger tend à plus échapper à la gravitation que l’oxygène, se recompose en un anneau torique de gaz neutre, puis s’ionise pour participer au plasma magnétosphérique de Jupiter.

Fin 2013, un signal dans l’infrarouge proche de celui des phyllosilicates de l’argile a été détecté. Concentrés dans un cratère, c’est une trace probable de l’impact d’une comète ou météorite où se mêlent souvent des matériaux argileux et des composés carbonés. Europe a-t-elle été ensemencée à plusieurs reprises de matières organiques externes?

Une glace jeune en mouvement

De la glace neuve immaculée est éjectée par les cratères, tel Pwyll, second en taille, très visible, et donc récent. Assez souvent, les cratères semblent comblés de glaces jeunes et aplanies. Quelques conclusions provisoires peuvent en être tirées : la couche de glace est plastique et récente, estimée à une centaine de millions d’années selon la probabilité de collisions cométaires.

Des calculs liés aux forces de marée produisent des résultats de l’ordre de 10 à 15 km d’épaisseur. Les lenticulae en bosse pourraient être apparentées aux diapirs: des cheminées de glace plus chaude soulèveraient des sortes de dômes plats. Les lenticulae en creux pourraient provenir de glaces fondues regelées.

Les chaos pourraient correspondre à de très grands dômes se disloquant lors de leur soulèvement. La résolution des images est encore trop faible pour affirmer la nature exacte et les points communs de ses structures.

Une banquise totalement fracturée

Les lineae, longues de milliers de kilomètres, parfois larges de vingt, donnent d’autres pistes. Le cryovolcanisme pourrait être conforté par la détection récente par Hubble de geysers ou panaches. L’explication principale toujours admise tient aux mouvements tectoniques verticaux et horizontaux, relativement analogues à ceux des banquises terrestres.

L’observation des déplacements des parties de la croute glacée brisée évoque les failles transformantes qui irradient à partir d’une dorsale. Elles provoqueraient des éruptions de glaces plus chaudes au moment des fractures, selon le mécanisme de nos dorsales océaniques.

Des forces en action sous la glace

La densité d’Europe la rapproche de ses consœurs galiléennes, assimilables à des corps chondritiques, faits de matière cométaire, du type tellurique. Sa masse serait d’ailleurs plus importante que la somme de tous les satellites plus petits qu’elle !

Europe disposerait d’un petit cœur ferreux, d’un manteau silicaté, et d’une énorme quantité d’eau. Les mouvements tectoniques procèdent de la marée gravitationnelle. La puissance de l’attraction de Jupiter a réussi à mettre IO, Europe et Ganymède en résonance orbitale.

La période de révolution d’Europe, de trois jours et demi et en rotation synchrone, est le double de celle d’IO et la moitié de celle de Ganymède. Une conséquence est le maintien d’une excentricité de l’orbite d’Europe, d’où une onde de marée synchrone qui atteint 30 m de haut et d’un réchauffement correspondant par friction.

Il en résulte les failles des lineae qui peuvent atteindre 3000 km, mais également une sorte d’étalement permanent de la glace aplanissant et recouvrant les reliefs. Les grands cratères semblent effectivement entourés d’anneaux concentriques remplis de glace fraiche. On peut supposer que l’échauffement fait fondre la glace en profondeur, et que de la glace ductile plus chaude ou de l’eau chargée de sel se rapproche de la surface par des cheminées, à l’origine des lenticulae.

Lorsque l’eau arrive à être expulsée, les sels se déposent et colorent la glace. Des blocs de glace peuvent être soulevés, se briser et geler à nouveau, formant alors les chaos.

Mission d'atterrissage sur Europe
Image d'artiste montrant une éventuelle mission d'atterrissage sur Europe.
© NASA/JPL-Caltech

Europe, un monde océan

L’hypothèse d’un océan global interne expliquerait la répétition des motifs de surface. Elle est confortée par l’observation du champ magnétique induit de celui de Jupiter, qui rend compte d’une couche conductrice sous la surface d’Europe, comme le ferait un océan d’eau salée.

Les dislocations de la « banquise » divergent des modèles prédictifs dans les zones les plus anciennes, comme si un découplage provoqué par une couche océanique déplaçait la croute un peu plus vite que l’intérieur de la lune, ce que confirmerait la comparaison des premières images de Voyager avec celles de Galileo.

La croute glacée d’Europe aurait aussi subi une migration des pôles très importante, incompatible d’une jonction directe de la glace avec le manteau. Selon qu’on adopte un modèle de glace mince ou de glace épaisse, le volume de cet océan atteindrait entre deux à trois fois le volume des océans terrestres, et sa profondeur 150 km, sans commune mesure avec nos fosses océaniques.

Les panaches de vapeur d’eau découverts par Hubble en surface seraient une aubaine pour étudier cet océan sans avoir à forer la glace.

Europe, nouvel eldorado de la recherche

De quoi exciter l’intérêt scientifique, d’autant que toutes les hypothèses convergent sur un modèle où l’eau liquide est en contact avec le manteau, condition plus favorable à l’apparition de la vie. Il est possible que le chauffage par les marées puisse être légèrement amélioré par celui des très lentes ondes de Rossby liées à la petite obliquité du plan de l’équateur.

Une particularité du spectre infrarouge renvoyé par Europe intrigue car typique de formes microbiennes. Les supputations autour des formes de vie atypiques du fond des océans terrestres, près des sources hydrothermales ou fumeurs des profondeurs, vont bon train.

Il semble aussi admis que de l’oxygène issu de la radiolyse de la glace de surface pourrait rejoindre l’océan interne. Les soucis les plus importants pour se rendre sur Europe proviennent des intenses radiations et de la forte gravité de Jupiter. La mission européenne Juice devrait étudier l’épaisseur de glace aux alentours de 2025.

La Nasa est ambitieuse avec Europa clipper qui devrait s’approcher brièvement, mais régulièrement de la surface glacée. Les deux pourraient aussi collaborer pour envoyer un atterrisseur en 2030, ce qui serait un joli message d’union pour une exploration d’Europe.

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